Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le recours aux documents photographiques et audiovisuels proposés par des non journalistes se multiplie dans les rédactions de presse papier, web ou dans les chaînes de télévision.
Il est entré dans la culture des médias professionnels de lancer des appels à témoin suite à une catastrophe naturelle ou à un fait divers. Certains ont même créé des équipes spécialisées dans la recherche de ces documents.
Quels sont les moyens techniques et journalistiques mis en œuvre pour valider les images d’amateurs ? Sont-elles présentées en tant que telles ? Peuvent-elles faire l’objet de rémunération et dans quelles conditions ?
Berliner Zeitung : Pas de publication d’amateurs
Les images amateurs ne sont pas publiées.
ZDF : Pas utilisées
De Standaard : Rares
De Standaard ne publie que rarement des photos d’amateurs. Le recours à celles-ci se justifie en général par leur caractère exclusif, comme la mort du réalisateur hollandais Théo van Gogh par exemple. Et toutes les précautions de vérification sont alors prises.
La Libre Belgique : Assez rares
Rares sont les documents amateur publiés. Dans ce cas de figure cependant, la photo est créditée du nom de l’auteur qui ne sera pas rémunéré.
Le site web met parfois en ligne des vidéos extraites de « YouTube » puisqu’elles appartiennent au domaine public. Elles sont toujours clairement sourcées.
Le Soir : Acceptées mais exceptionnelles
Sauf exception, le Soir ne recherche pas les documents amateurs, la règle est plutôt de produire en interne.
En principe ces photos ou vidéos non professionnelles ne sont pas rémunérées, sauf s’il s’agit de « documents d’intérêt public ».
Elles pourront être retravaillées mais sans altérer le fond. En cas d’infographie, une mention « Infographie Le Soir » est requise.
RTBF : Une mention
Les documents amateur sont signalés par la mention « Images amateur ». En cas de demande de rémunération, une prise en charge des frais est proposée.
A Folha de S. Paulo : Après vérification
Les images d’amateurs seront acceptées si elles sont de bonne qualité et s’il est possible d’en vérifier la véracité.
Cruzeiro do sul : Non vérifié, non rémunéré
Des photos amateurs peuvent être publiées seulement si le journal ne dispose pas d’image de l’événement et si ce dernier est réellement important.
Le site web de Cruzeiro do Sul propose une section intitulée « Envoyer au média » qui affiche l’avis suivant pour l’internaute : « J’autorise la publication du matériel en annexe, dont je suis l’auteur, sur les éditions papier et numérique du journal Cruzeiro do Sul, moyennant mention du crédit de l’auteur, sans qu’il n’en découle aucun frais pour le journal ni quelconque autre forme de lien de dépendance. »
O Estado de S. Paulo : Intérêt journalistique indispensable
Le journal publie fréquemment des photos réalisées par des lecteurs (photos amateurs) avec leur autorisation. Le critère de sélection est le seul intérêt journalistique. Les photos publiées ne font pas l’objet de rémunération.
Rádio CBN : Sans objet (Radio)
TV Cultura : Rares mais avec citation des contributeurs
La diffusion d’images amateurs est très rare.
Mais quand la chaîne les utilise, en cas d’actualité d’urgence de type inondations, accidents, incendies, etc, les noms des contributeurs sont systématiquement cités.
TV TEM : Bien pensé
La rédaction de TV Tem ne voit pas comment ne pas diffuser d’images d’amateurs, étant donné que « à tout moment, il y a quelqu’un en train de filmer ». Si elles revêtent un intérêt journalistique, la chaîne peut payer l’auteur et le crédite systématiquement.
TV Tem mène une politique de précaution par rapport aux images glanées sur Internet. Si elles sont diffusées sur des espaces ouverts, comme Youtube, elles sont considérées comme publiques. Mais si une vidéo est postée sur la page personnelle d’un réseau social, elle ne pourra être diffusée qu’après consultation du propriétaire.
El País : Pas de règles strictes
Si une bonne photo ou une bonne vidéo parvient à la rédaction, dont le contenu informatif est intéressant pour les lecteurs de El País, elle sera publiée sur le site web.
Pour prendre un exemple relativement récent, durant les manifestations du 15M (mouvement des indignés de la Puerta del Sol qui a démarré le 15 Mai 2011), la photo d’un amateur a été choisie pour la couverture parce que la rédaction a trouvé que cet instantané était la meilleure photo disponible.
De plus, El País dispose d’un réseau social propre, Eskup, auquel les lecteurs peuvent contribuer en envoyant leurs propres informations et images, qui seront cependant toutes filtrées.
La Vanguardia : Un encadrement rigoureux
L’édition papier peut publier une photo non professionnelle après qu’elle ait été vérifiée et seulement si aucun journaliste n’a pu la prendre lui-même.
Cette pratique concerne généralement l’information locale.
Dans la rubrique « opinion » il existe un espace ouvert aux lecteurs pour la publication de photos de situations à dénoncer. Le photographe amateur doit alors préciser ses coordonnées personnelles et accompagner l’image d’une explication convaincante.
lavanguardia.com (édition numérique) demande la collaboration des internautes sur de nombreux thèmes. Les règles pour participer sont publiées sur le site.
Rádio Barcelona - Cadena SER : Vérification systématique
Si la rédaction web considère qu’une image amateur revêt un intérêt public, la radio en vérifiera la véracité avant de la publier sur son site. Les photos ou vidéos d’amateurs publiés ne sont jamais payées.
La section « Ciudadano denuncia » (le citoyen dénonce) permet également aux auditeurs de poster une fois par semaine sur le site web de la radio des images pour dénoncer des faits ou événements.
RNE : Non pertinent
TVE : Toujours sourcées
Les photos ou vidéos amateurs ne seront utilisées que lorsque la télévision ne dispose pas de ressources propres pour pouvoir illustrer une information considérée d’intérêt public maximum. L’origine de la source sera alors toujours explicitée.
Europe 1 : NC
France 2 : Prudence
France 2 utilise les documents amateur avec une grande prudence. Les sources et les droits des images sont vérifiés rigoureusement.
France 24 : Le principe des « Observateurs »
L’équipe des Observateurs de France 24 recherche des documents amateurs. Ils fournissent des contenus aux chaînes et au site web, ils possèdent également une émission hebdomadaire. Les contenus sont envoyés par le réseau des observateurs ou repérés sur les réseaux sociaux.
La chaîne travaille à augmenter l’indice de fiabilité de ces « observateurs » en travaillant avec eux sur la durée et en leur demandant de se rendre sur place pour mener leur enquête.
D’un point de vue plus technique, France 24 analyse les métadonnées des images (appareil photo utilisé, heure de prise de vue, coordonnées GPS). L’altération de ces données prouverait qu’il y a eu retouche.
En termes de traitement, les montages respectent le document initial et ajoutent un habillage. La lumière peut être modifiée et l’infographie utilisée pour encercler ou mettre en surbrillance certains détails. Les images initiales peuvent être agrémentées de la parole de témoins, ajoutées par la rédaction.
France Inter : Sans objet (Radio)
La Croix : Proscrites
La Dépêche du Midi : Non recherchées mais acceptées
La Montagne : Favorable
Le site internet de La Montagne a été créé en 2006, mais il n’encourage que depuis peu le « journalisme-citoyen ». Un espace pour poster texte, photo et vidéo est facilement accessible sur le site, et toute information - quelle que soit sa forme - est vérifiée par un journaliste avant sa mise en ligne. Quatre journalistes dédiés au web sont basés à Clermont-Ferrand.
Une « News room » vient d’être mise en place au siège, afin de favoriser la remontée rapide de l’information, qu’elle vienne des journalistes ou des internautes.
La Nouvelle République : Embryonnaire
C’est encore assez sporadique. Quoi qu’il en soit, l’information est toujours vérifiée avant la publication de la photo ou de la vidéo (par exemple des averses de grêle à Poitiers). Mais la NR veut s’ouvrir à cette possibilité, à la façon d’un « Fil rouge » ou d’un « journal citoyen ». Une réflexion a donc été engagée à ce sujet, dans le cadre d’une réflexion plus large sur les applications mobiles.
La Provence : Acceptés et non rémunérés
Les documents amateur sont acceptés. Les internautes qui se sont inscrits sur le site pour pouvoir écrire des commentaires (les « provençonautes ») peuvent également y poster des photos et des vidéos dont l’authenticité est vérifiée par la rédaction avant utilisation. Ces documents ne sont jamais rémunérés.
La Voix du Nord : Acceptées mais non rémunérées
Le Figaro : Acceptées via une plate-forme contributive
A partir des documents récupérés sur la plate-forme numérique, l’équipe « Social Media » du Figaro.fr rédige des articles de restitution où les commentaires des internautes abonnés sont mis en valeur. Les informations et photo/vidéo amateur sont clairement labellisés en tant que tels.
Et ne sont jamais rémunérés.
Le Monde : Acceptés non rémunérés
Il existe des dispositifs d’appels à témoignages. L’authenticité du document amateur est vérifiée comme n’importe quelle autre information. Aucune rémunération n’est prévue.
Le Parisien/Aujourd’hui en France : Acceptées et non rémunérées
Les internautes sont invités à déposer leurs contenus sur la plate-forme communautaire « You ». Des contenus amateur peuvent être publiés mais ils ne sont pas rémunérés.
Le Progrès : Acceptés et non rémunérés
Le recours aux documents amateurs et leur rémunération demeurent exceptionnels.
Libération : Publiés avec un indice de fiabilité
Il arrive que des documents amateurs soient utilisés, après une vérification très rigoureuse. La nature du document est toujours annoncée et en cas de doute, le degré de fiabilité du document établi par la rédaction est clairement indiqué.
Libération utilise aussi des photos d’illustration en provenance du site « Flickr » mais de façon modérée, afin de ne pas nuire à la profession de photographe.
Les documents amateur ne sont pas rémunérés.
Ouest France : Non utilisées
RTL : Images rémunérées
Il existe, sur le site internet « RTL.fr », une rubrique intitulée « RTL Témoins » où les auditeurs peuvent envoyer des images d’actualité. Si leur photo est sélectionnée, elle est rémunérée à raison de 25 euros. C’est le service internet qui gère cet espace, réparti en sous-rubriques (« Actu », « Sports », « Nature », « Animaux », « People », etc.). Mais l’équipe internet, composée de journalistes, étant elle-même physiquement intégrée dans la rédaction de RTL, là encore la discussion est de mise.
Sud Ouest : Acceptés
La rédaction web lance régulièrement des appels à photos. Elle en reçoit beaucoup via l’application I-Phone du site web, notamment pour les faits divers et l’information locale (incendie, bouchons…)
Les photos sont créditées du nom de l’auteur.
Si la règle est la non-rémunération, la rédaction accepte de rares exceptions.
Sud Radio : Sans objet (Radio)
TF1 : Un cadre défini
Les images amateurs peuvent être recadrées et montées, la mention « Document amateur » et la date sont systématiquement apposées.
Si les images peuvent être confondues avec des professionnelles, le commentaire précisera lui aussi qu’il s’agit d’un tournage amateur.
Ces vidéos sont rémunérées selon le type d’événement, la qualité et la durée de la séquence retenue.
The Irish Times : Vérifiées et non rémunérées
Polskie Radio, kanal 3 : Non pertinent
BBC : En précisant la fiabilité des documents
Six personnes sont chargées de vérifier l’authenticité des documents amateurs. La BBC en diffuse beaucoup mais toujours en précisant le degré de fiabilité de l’image.
Exceptionnellement des images d’amateur peuvent être rémunérées.
The Guardian : Rarement rémunérées
The Guardian en utilise beaucoup. Les documents amateur sont très rarement rémunérés.
La Liberté : Oui
Les photos amateur peuvent être reçues via l’application mobile du journal et peuvent être publiées. Un défraiement est possible.
Le Temps : Rares et non rémunérés
Les documents amateur sont très rarement acceptés et jamais rémunérés.
RTS : Vérification de la fiabilité
Il peut arriver que la RTS utilise des images tournées par des non-professionnels.
Le niveau de fiabilité sera alors annoncé à l’antenne.