Archives 2011

3.1. – Quel lien entre valeurs du média et contenus publicitaires ?

Comment se fait le lien entre le contenu de la publicité et les valeurs éditoriales du journal?

Un quotidien qui s’engagerait dans la défense du développement durable accepterait-il par exemple de publier des publicités de compagnies aériennes ou de voyagistes low-cost ?

Quelle est la stratégie adoptée: la cohérence entre les deux services (rédactionnel et marketing) ou au contraire leur totale imperméabilité ?

Ces principes sont-ils formalisés ou non ?

Il s’agit ici de recenser les règles ou usages prévoyant la possibilité de refuser une publicité lorsqu’il est estimé qu’elleentre en conflit avec les valeurs défendues par le journal.

Réponses complètes

La Libre Belgique : Très encadrés

Le service publicitaire dépend directement de l’administrateur général et n’a aucune connexion avec la rédaction.

L’article 3 de la charte publicitaire énonce un droit de refus : « L’éditeur étant responsable de journaux d’opinion, il a le droit de suspendre, d’arrêter ou de refuser l’insertion d’annonces sans avoir à motiver sa décision ».

La charte graphique fixe l’encombrement publicitaire de manière précise : globalement pour l’ensemble du journal (pas plus de 50%) mais aussi par page.

Les doubles pages d’ouverture des différentes sections ne comportent jamais de publicités.

Les publicités politiques sont réservées aux partis démocratiques et comportent toujours le label : « La publicité politique n’engage pas la rédaction ».

Des « dossiers rédactionnels » peuvent être commandés directement par la régie publicitaire. Les journalistes doivent alors se présenter au nom de la régie et la mention « Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie générale de publicité » est obligatoire. Le logo du journal n’est pas utilisé, la mise en page et les polices de caractère se démarquent du journal. L’édito devient « Avant-propos », l’interview est rebaptisée « Questions -réponses ». La LLB réalise aussi des publi-reportages, en respectant l’obligation légale de les mentionner en tant que tels.

RTBF : NC

Le Soir : Un code

Un « code de bonne conduite commun » a été formalisé entre tous les services en 2004. Il a pour objet de rendre visible les valeurs du journal sur l’ensemble de sa pagination : humanisme et développement durable. Il est donc impossible d’y trouver, par exemple une publicité pour des mouvements d’extrême droite.

Ce code sanctuarise certains espaces rédactionnels en y interdisant toute publicité : c’est le cas des pages 2 et 3 où sont publiés les éditoriaux et les dessins de presse.

La publicité en « Une » et en dernière page reste très règlementée. En revanche - crise aidant - la publicité en « L » est dorénavant acceptée.

Les propositions « d’emballage » du journal ou de gimmicks sont systématiquement négociées avec la rédaction.

Cruzeiro do sul : Des règles non écrites mais précises

Rien n’est publié qui puisse porter atteinte aux Droits de l’Homme, y compris dans les messages publicitaires. Sont refusées les publicités porteuses de messages pornographiques, de prostitution cachée ou explicite. Les publicités pour le tabac ou l’alcool sont également refusées.

O Estado de S. Paulo : Autant que possible

Les sercices « publicité » et « rédaction » ne sont pas reliés entre eux, sauf par le biais d’un projet appelé « Crossmedia » qui vise à valoriser les Cahiers spéciaux, en ouvrant leurs colonnes à des publicités spécifiques. Les deux services s’impliquent alors pour trouver des solutions afin que le Cahier réponde aux attentes tant en termes de contenu que d’image institutionnelle.

Jusqu’à peu, le journal ne vendait aucun espace publicitaire en « Une » mais cette règle s’est récemment assouplie.

TV Cultura : Très étroits

Les principes éthiques - fondamentaux pour TV Cultura - sont relayés par le soutien à une consommation responsable.

D’autre part cette chaîne publique, culturelle et éducative propose peu de publicité et aucune entre 7 h et 19 h, par respect pour la programmation jeunesse.

Les publicités pour les boissons et les cigarettes sont interdites.

Le service commercial, qui recherche également les ressources financières, est chargé de la gestion de la publicité mais il peut éventuellement consulter le secteur journalistique.

TV TEM : Respect de la ligne éditoriale

TV GLOBO – et par conséquent TV TEM – respecte un cadre très rigide, y compris en ce qui concerne la publicité. Certaines sont donc refusées parce que le libellé comporte des blasphèmes, des injures, des incitations malveillantes…

Il n’existe aucune relation directe entre la rédaction et le département commercial, si ce n’est par exemple pour vérifier qu’une source est digne de confiance.

Le service commercial n’influence donc en rien le contenu des journaux télévisés de la chaîne.

Valor Econômico : Différencier clairement les genres

Des annonces peuvent être refusées davantage pour des questions de forme que de contenu. Les publicités qui peuvent être confondues avec de l’information sont écartées ou accompagnées de la mention “encart publicitaire”.

Le journal veille à ne pas laisser de confusion possible entre le rédactionnel et la publicité.

Quoiqu’il en soit, au quotidien, le journal suit les paramètres définis par les organes régulateurs.

El País : Une séparation claire

La publicité est gérée par un département indépendant de la rédaction. Les emplacements publicitaires sont bien séparés des contenus informatifs. Les clients doivent payer un supplément s’ils souhaitent que leur publicité apparaisse en page paire ou impaire ou encore dans la section de leur choix. Ils ne connaissent pas au préalable les contenus informatifs des pages.

Une publicité peut aussi être refusée si son contenu ne « respecte pas les règles générales du journal ».

Público : Aucun lien entre publicité et rédaction

Le service du marketing et la rédaction sont indépendants. Plusieurs publicités ont cependant été refusées, comme celle d’une organisation qui pour commémorer l’anniversaire d’un attentat voulait publier une série de messages où sa condamnation n’apparaissait pas clairement.

Pour rester fidèle à sa ligne progressiste, le journal refuse toute annonce de prostitution ou même de « contact » parce qu’elles participent à l’exploitation de la femme.

La Vanguardia : Une recherche de cohérence

La publicité ne doit pas être en contradiction avec la ligne éditoriale du journal ni attenter à la dignité des personnes, des entreprises ou des institutions. De plus, la séparation entre l’information rédigée par la rédaction et tout ce qui peut être du domaine de la publicité, doit être clairement différenciée.

La Croix : Tellement peu de publicité…

…pourtant la réponse à cette question semble s’imposer. Le peu d’annonceurs intéressés par La Croix ne le sont pas par hasard. Le lien cohérent entre les valeurs rédactionnelles et la publicité sont évidents.

La Dépêche du Midi : Pas de règles formelles mais…

Les publicités politiques en contradiction avec l’esprit du journal sont systématiquement refusées. (Exemple : la promotion pour un parti d’extrême-droite ne pourrait pas être publiée).

Le Figaro : Pas formalisé mais…

Une publicité peut être refusée si elle comporte des images choquantes.

De même, une publicité trop déguisée en article journalistique ne sera pas publiée.

France 2 : Respect de l’esprit service public

La charte des antennes précise que la rédaction doit être vigilante aux citations de marques qui pourraient être interprétées par le CSA comme de la publicité clandestine.

Il n’y a pas de charte publicitaire propre à la régie de France Télévisions, mais la régie publicitaire peut consulter la direction des programmes pour savoir si un spot paraît compatible ou non avec la mission de service public de France Télévisions.

France 24 : Pas toujours simple

Pas de publicité pour des partis politiques… Et si France 24 accepte les publicités touristiques de pays sous dictature, elle ne se prive pas de faire des reportages sur leur pouvoir autoritaire ou leurs opposants.

La rédaction est très attentive à tout ce qui pourrait passer pour de la publicité cachée. Comme les régates où les sponsors sont affichés sur les voiles…

Sur le site web, les publi-reportages sont clairement identifiés par une maquette différente.

Libération : Pas de règles formelles et peu de litige

Publicités politiques : quelques unes ont été refusées parce qu’elles n’étaient pas en adéquation avec l’esprit du quotidien.

Publicités commerciales : certaines peuvent poser problème notamment dans les suppléments. Le journal évitera la juxtaposition d’un article critique sur les pratiques d’une entreprise avec une publicité de cette même entreprise. L’article paraîtra alors sur une autre page du quotidien. C’est régulièrement le cas sur la thématique écologique où le greenwashing de certains annonceurs entre en contradiction avec l’esprit général du supplément et la problématique rédactionnelle.

Le Monde : Pas de règle formelle

Certaines publicités peuvent cependant être refusées.

Ouest France : Les valeurs du média avant tout

Une des spécificités de Ouest-France est que les principes énoncés dans ses chartes sont également appliqués à la publicité. Il est donc facile de vérifier les compatibilités et de refuser éventuellement une publicité sur des critères transparents et connus de tous.

Le Parisien/Aujourd’hui en France : Pas de publicité politique ni syndicale

Le Progrès : Pas de règle formelle mais…

Le Progrès n’a pas de règle formelle sur ce sujet mais certaines publicités politiques peuvent être refusées quand elles ne correspondent pas à « l’esprit » du journal, sans que celui-ci ne soit formalisé nulle part.

La Provence : Pas de règle formelle mais…

… certaines publicités peuvent être refusées.

Sud-Ouest : Un cadre précis

La charte du journal précise la place accordée à la publicité. Ainsi les pages 2, 3, 4 et les pages centrales de l’édition du dimanche ne peuvent pas comporter de publicité. Sur la première page du cahier départemental, la publicité ne peut pas dépasser la taille d’un bandeau en bas de page.

Les règles sont très précises mais une dérogation spéciale peut être accordée par la direction de la publication.

TF1 : Aucun mais

Il arrive que TF1 soit plus restrictive que la loi ne l’exige en termes d’horaire de programmation pour des images pouvant choquer. Par exemple : une publicité pour le DVD d’un film d’horreur a été programmée après 22h30 alors que le CSA avait demandé 20h30.

La Voix du Nord : L’adéquation aux valeurs avant tout

Dans la mesure où une publicité ne correspond pas aux valeurs du journal, elle peut être refusée. Par exemple : une campagne de publicité politique sur la suppression de fonctionnaires n’a pas été acceptée car elle ne présentait pas d’argumentaire.

Mid-day : Aucun

La politique publicitaire du journal est très souple même si le quotidien s’attache à respecter les règles établies au niveau national sur les sujets sensibles tels que le tabac ou l’alcool.

En revanche, le journal paraissant l’après-midi ne manque pas de publier une photo de mannequin légèrement vêtue pour conserver l’image décontractée que le jeune lectorat a de son quotidien.

The Hindu : Compatibilité recherchée

Le journal ne publie pas de publicité pour l’alcool, le tabac, les prédictions astrologiques ou les petites annonces du coeur.

BBC : Pas de publicité

La seule chaîne du Groupe BBC qui a le droit de diffuser de la publicité est BBC Worldwide, car elle n’est pas financée par la redevance.

The Guardian : C’est aussi l’affaire de la rédaction

Le rédacteur en chef est également responsable du contenu publicitaire. Si une publicité ne lui convient pas, il peut demander à ce qu’elle soit retirée du journal ou du site.

La Liberté : Pas de règle formelle mais…

La rédaction veille tout particulièrement à ne pas laisser l’espace qui lui est dévolu être parasité par de la publicité intrusive.

La Liberté ne possède pas de régie interne et traite avec le leader suisse de l’espace publicitaire. Le contrat de base stipule que le journal peut refuser des encarts qu’il estime entrer en contradiction avec ses valeurs.

Les publicités présentant un caractère « érotique » sont écartées de façon systématique, bien qu’elles soient très rémunératrices.

Dans le même esprit, une publicité pour « l’Union démocrate du centre » a été refusée pour « relent raciste ».

Le journal surveille aussi l’éthique de ses petites annonces, en exigeant par exemple une transparence totale sur les coûts des services proposés par voyants et médiums en tous genres.

RTS : Aucun

Des directives internes à la RTS garantissent la liberté rédactionnelle.

Il est ainsi possible de suspendre la collaboration avec un sponsor pour éviter un conflit d’intérêt ponctuel généré par le choix d’un sujet.

Le type de publicité diffusable est défini par la Concession de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) puis par l’Office Fédéral de la Communication (OFCOM).

Le Temps : Des règles claires

En matière commerciale, toute publicité présentant un caractère sexuel (site de rencontres, salon de massage…) est refusée.

D’autre part l’identification claire de l’annonceur est un préalable à toute publication.

En matière politique, le journal est très ouvert, les refus sont extrêmement rares mais le journal se réserve une marge de manÅ“uvre dans le traitement de ces publicités (encadré qui explique les raisons de la publication, mise en perspective par un article critique…).