Archives 2013

5.3. – Quelle gestion du « Droit de réponse » ?

Dans la plupart des pays européens, le principe du « Droit de réponse » est assuré à toute personne estimant avoir été lésée par un travail journalistique. Ce droit est régi différemment selon les législations nationales et c’est en général au juge qu’il revient d’apprécier la pertinence de la demande quand les parties n’ont pas réussi à se mettre d’accord.

En France, les lois du 29 juillet 1881 pour la presse écrite (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070722&dateTexte=20080312) et du 7 Août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision (legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000333539) définissent le cadre formel du droit de réponse dont la publication/diffusion n’est jamais automatique. Une importante jurisprudence a été établie au fil du temps. Reste qu’obtenir par voie légale un « Droit de réponse » n’est pas chose facile.

En Belgique, le Droit de réponse a fait une première apparition au moment de l’indépendance en 1831. Actuellement il est régi par la loi du 23 juin 1961, révisée en 2000 (www.droit-technologie.org/upload/legislation/doc/2-1.pdf)

En Suisse, le Droit de réponse est institué par les articles 28g et suivants du Code civil suisse rédigé en 1907 (www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19070042/201307010000/210.pdf) . Les dispositions sont très précises: le journal doit donner un avis favorable ou non à la publication dans les 24h après que la demande lui ait été soumise. Le demandeur peut saisir plusieurs niveaux de justice et monter jusqu’au tribunal fédéral.

Au Brésil, le Droit de réponse est garanti par l’article 5 paragraphe V, de la Constitution de la République ainsi que par l’article 29 et par la Loi de la presse n° 5.250/65. Le texte de la Constitution brésilienne détermine qu’« est assuré le droit de réponse, proportionnel au dommage causé, outre l’indemnisation pour dommage matériel, moral ou à l’image ».

Le code de la profession stipule encore que le journaliste doit opérer « une rapide rectification des informations qui se révèlent inexactes ou fausses ». Mais souvent les médias s’octroient le « droit de répondre » en lieu et place d’un « droit de réponse », une façon régulière de détourner le droit et de donner raison au média.

Ce droit est inscrit dans la loi espagnole mais reste très peu utilisé et ce sont généralement les institutions ou organes officiels qui en font la demande. Le droit de réponse est encadré par des normes strictes qui exigent une publication/diffusion dans les mêmes conditions que l’article/l’émission mis en cause (même espace ou même durée, même page ou même heure, etc)

Réponses complètes

La Libre Belgique : Rédaction en chef

La rédaction en chef prend en charge les droits de réponse en prenant éventuellement conseil auprès d’un cabinet d’avocats. La Libre Belgique publie « volontiers » les droits de réponse mais il n’y a finalement que très peu de demandes

RTBF : Via le service juridique

Les demandes de droit de réponse sont traitées directement par le service juridique.

Si la demande est recevable, un rectificatif, une interview ou des excuses publiques sont négociées. Un véritable droit de réponse est exceptionnel, il prend alors la forme d’un texte d’une durée maximum de trois minutes lu en voix off, car le requérant n’a pas le droit d’apparaître à l’antenne.

Le Soir : Selon la loi

La demande de droit de réponse est transmise au service juridique qui doit valider sa conformité aux prescriptions légales. S’ensuit une négociation avec le requérant sur la forme à lui donner.

Environ cinq droits de réponse sont publiés chaque année.

Cruzeiro do sul : Sur décision judiciaire

La plainte d’un lecteur qui se sent offensé est considéré comme un courrier des lecteurs et sera publiée dans la rubrique homonyme. Le droit de réponse n’est utilisé que sur décision judiciaire, et doit répondre alors aux règles de publication : même pagination et même espace.

O Estado de S. Paulo : Rectification ou errata

Le droit de réponse est toujours octroyé, au moins par le biais d’une note de rectification ou d’un errata.

Dans certains cas, l’éditeur peut décider de traiter à nouveau le sujet pour le rectifier ou le développer par des informations importantes qui auraient été omises.

Rádio CBN : Étude et mise à l’antenne si nécessaire

Toute réclamation est avant tout vérifiée par un journaliste. Il existe ensuite deux types d’attitudes :

  • En cas d’erreur, celle-ci est rectifiée le plus vite possible.

  • En ce qui concerne les commentaires désobligeants, les présentateurs des programmes peuvent lire une plainte à l’antenne, mais ils le font de sorte d’en préciser le contexte.

TV Cultura : Une réaction rapide

La rédaction en chef valide les demandes selon un processus informel. La chaîne n’a jamais eu de procès en justice. Quand elle reçoit une réclamation et que l’erreur est constatée, elle est corrigée dans les meilleurs délais.

TV TEM : Par le bon sens

Les droits de réponse sont concédés sur décision judiciaire. Mais c’est avant tout le bon sens qui est mis en pratique. Si une erreur est commise, elle est corrigée lors de l’édition suivante du journal télévisé, même si elle n’ fait l’objet d’aucune demande ou réclamation. En revanche si quelqu’un interpelle la chaîne sur un cas précis et que la rédaction considère qu’elle a agit correctement, alors le droit de réponse n’est pas accordé.

El País : Peu utilisé mais selon la loi

Le Droit de réponse est peu connu par les Espagnols qui, en revanche, n’hésitent pas à adresser des rectificatifs à leur journal. Quand ces droits de réponse sont acceptés, le quotidien procède à leur parution en suivant strictement la loi qui contraint à les placer sur la même page, dans le même espace, etc. que l’article mis en cause.

Rádio Barcelona - Cadena SER : Selon la loi

Le droit de réponse est une décision judiciaire ou administrative que Radio Barcelona respecte toujours.

Mais pour éviter d’en arriver là, toute personne citée est systématiquement informée par la station, elle peut alors s’exprimer librement et ses propos seront diffusés sur les ondes.

RNE : Rares

Le travail de vérification étant bien organisé, les demandes de droit de réponse sont rarissimes. Le cas échéant ils sont diffusés au même horaire, dans le même programme et avec la même durée que le sujet ayant fait l’objet de la réclamation.

TVE : Selon la loi

S’il se produit des erreurs ou inexactitudes qui lèsent les intérêts de personnes ou d’institutions et que celles-ci réclament un droit de réponse, la télévision est obligée de le respecter selon les termes prévus par la Loi 2/84.

Cependant, TVE permet également un droit de réponse avant la diffusion d’une information quand les professionnels de la chaîne considèrent que cette info contient des données ou présente des témoins qui pourraient léser des intérêts ou porter préjudice à des tiers.

La Vanguardia : Essentiellement des rectificatifs

Le « droit de réponse » n’est pas un processus très connu ni utilisé en Espagne. Les lecteurs adressent généralement des courriers qui sont repris sous forme de rectificatifs, sans nomination du lecteur ; ou encore le courrier est publié in extenso dans la rubrique « Courrier des lecteurs », et dans ce cas il est signé.

La Croix : Légale

Les demandes de droit de réponse sont directement traitées par le service juridique.

La rédaction ne commente jamais un droit de réponse, contrairement à d’autres journaux.

La Dépêche du Midi : Selon l’avis du médiateur

Toute demande de droit de réponse passe par le service juridique qui en vérifie la conformité légale.

Le médiateur est ensuite chargé de vérifier si l’article cité répond aux normes déontologiques. En cas d’entorse grave seulement, il conseille la publication du droit de réponse.

Europe 1 : Via le service juridique

Le droit de réponse immédiat n’est pas appliqué à l’antenne, sauf dans un cas extrême. La procédure courante passe par le service juridique, le secrétariat général et le service concerné par le droit de réponse.

Le Figaro : Un filtre juridique

Le service juridique filtre les requêtes. Si une demande est acceptée, le rédacteur en chef décide soit de l’insertion du droit de réponse, soit de discuter avec l’intéressé pour s’accorder sur la manière de le publier.

France 2 : Via le service juridique

Les demandes d’exercice du droit de réponse sont extrêmement rares (une à deux chaque année). La plupart du temps, la rédaction répond directement par un courrier à la personne, après avoir éventuellement pris l’avis du service juridique.

France 24 : Au cas par cas

France Inter : Ils sont très rares

Les demandes de droit de réponse passent par le service juridique. Un rectificatif est diffusé à l’antenne, s’il y a lieu.

Libération : Par la rédaction en chef

Dans un premier temps, les demandes de « droit de réponse » sont traitées par les rédacteurs en chef. Si aucune solution n’est trouvée, elles sont remises entre les mains de l’avocat du journal.

Si le « droit de réponse » a été souvent utilisé à une époque, il semble maintenant passé de mode. Les demandes se font de plus en plus rares.

Le Monde : Fait l’objet d’un débat

Actuellement à la réception d’un texte de droit de réponse, l’original est envoyé à l’avocat du journal et une copie au journaliste mis en cause ainsi qu’à son chef de service. Une discussion commune déterminera sa publication ou non.

La Montagne : Via le service juridique

En moyenne, deux demandes de droits de réponse sont adressés, chaque mois au service juridique du groupe. Ils ne concernent pas que La Montagne mais l’ensemble des titres (7 quotidiens et 9 hebdomadaires).

La Nouvelle République : Au cas par cas

Pas plus de dix droits de réponse sont publiés annuellement dans les colonnes de la NR. Le conflit se dénoue souvent avant cette étape. D’abord parce que le journal n’entretient pas une relation conflictuelle, en règle générale, avec ses lecteurs. Et d’autre part, car il suffit, bien souvent, d’ajouter un complément d’information à un article.

Ouest France : Un engagement formalisé

L’engagement est clair : « Toute demande de droit de réponse, qu’elle soit ou non exprimée dans les formes prévues par la loi, doit être accueillie avec politesse et attention. Ce n’est pas seulement l’exercice d’un droit du citoyen face au pouvoir de la presse, c’est aussi un moment important de la relation avec nos lecteurs. Notre image peut dépendre durablement de l’accueil fait à leur demande. Il faut donc toujours en discuter, non seulement avec eux mais aussi en interne et avant toute décision. Pour éviter les formes contraignantes prévues par la loi, on peut proposer des compromis qui donnent satisfaction au demandeur sans ouvrir nos colonnes à des formes d’expression incontrôlables : le rectificatif - s’il y a une erreur nous la corrigeons ; la précision - si une information manquait, nous la donnons ; l’expression - par le courrier des lecteurs et le forum… ; un complément rédactionnel différé - nous nous engageons à revenir sur le sujet au meilleur moment. »

Chaque demande de droit de réponse est soumise à deux regards : celui du service juridique et celui du directeur du département ou du rédacteur en chef.

Il se peut que la demande soit « légalement » rejetable mais que la rédaction estime l’information importante à donner. C’est elle qui aura le dernier mot.

Le nombre de demandes de droit de réponse est en baisse de la moitié depuis 20 ans, comme le reste des contentieux juridiques. Ce qui peut en partie être expliqué par le fait que tous les journalistes du quotidien ont reçu une formation minimale sur le droit de la presse.

Le Parisien/Aujourd’hui en France : Selon les dispositions légales

Droit de réponse conformément aux lois en vigueur sur la presse.

Le Progrès : Fait l’objet d’un débat

Dans le respect des obligations légales et avec un débat interne au sein de la rédaction ainsi qu’avec le journaliste concerné.

La Provence : respect de la loi et intérêt de l’information

Les droits de réponse sont publiés s’ils répondent aux prescriptions légales et aux critères de publication.

Il arrive cependant aussi que des droits de réponse soient imprimés simplement parce qu’ils présentent un intérêt pour le débat.

RTL : Au cas par cas

Sud Ouest : Médiation puis service juridique

En cas de demande de droit de réponse, le médiateur tente une conciliation. Si la demande lui paraît justifiée, il incite la rédaction à accorder un droit de réponse et alerte la rédaction en chef.

Si le lecteur maintient sa demande de droit de réponse à l’issue de l’intervention du médiateur, le service juridique prendra le relais.

La plupart des demandes de droit de réponse aboutissent à la publication d’un correctif dans lequel le requérant est cité.

Les droits de réponse au sens juridique demeurent extrêmement rares, entre dix et douze demandes par mois, et une parution effective dans le journal est rarissime : moins d’une par an.

Sud Radio : Rares et selon la loi

Au cas par cas. Pas de demande de droit de réponse depuis le début de cette grille.

TF1 : le service juridique

La Voix du Nord : Par la rédaction en chef

Le traitement des droits de réponse relève du rédacteur en chef. Ils peuvent faire l’objet d’une publication dans une rubrique du journal prévu à cet effet.

Mid-day : Dans le respect de la loi

Le journal peut publier la rectification d’une erreur à condition que le texte du lecteur ne viole pas la loi en menaçant la sécurité de la nation ou en excitant les tensions religieuses.

Le public peut aussi saisir le Conseil de presse.

The Hindu : N’existe pas en tant que tel mais…

L’Inde ne possède aucune législation spécifique sur l’éthique de la presse mais une diffamation avérée peut entraîner des peines de prison atteignant 3 ans.

Le conseil de presse, présidé par un magistrat retraité de la haute Cour de justice peut toutefois recevoir les plaintes du public et organiser la réparation. Au journal, seuls les rédacteurs en chef et médiateur sont impliqués dans la démarche, jamais un simple journaliste.

TV News 9 : Très rare

BBC : Accordé et commenté

La BBC reçoit une centaine de demandes de droits de réponse chaque année. Le service de contrôle de la politique éditoriale joue alors un rôle de conseil sur le format et la durée du droit de réponse.

Ce droit de réponse peut éventuellement être commenté.

The Guardian : Pas à proprement parler

The Guardian ne publie pas de « droit de réponse » à proprement parler. En revanche les personnes qui souhaitent s’exprimer en réaction à un article peuvent le faire dans le cadre de la rubrique « Response », publiée 4 jours par semaine.

La Liberté : Selon la loi

La loi suisse sur le droit de réponse est très précise : le journal doit donner un avis favorable ou non à sa publication dans les 24h après que la demande lui ait été soumise.

Le demandeur peut saisir plusieurs niveaux de justice et monter jusqu’au tribunal fédéral.

La Liberté reçoit une dizaine de demandes par an, dont la moitié est transformée en « courrier des lecteurs ».

RTS : Médiation

Les demandes de droits de réponse (12 en 2009, 18 en 2010) aboutissent rarement. Une tentative de médiation est toujours tentée, elle peut être suivie d’une sanction et d’un blâme pour le journaliste concerné.

La loi est stricte sur le droit de réponse qui ne peut inclure que la rectification des faits, et en aucun cas faire état d’un quelconque point de vue.

Les secrétaires généraux du département « Actualité » et du département « Programmes » sont chargés de ce type de litiges et font l’interface entre le service juridique et la rédaction.

Le Temps : Une démarche très rare

Le droit de réponse est extrêmement rare en Suisse pour cause d’extrême rigidité des prescriptions légales qui l’encadrent.

C’est le rédacteur en chef et l’avocat du titre qui décident de la publication éventuelle d’un droit de réponse.

Un seul a été publié depuis la création du titre en 1998.