Archives 2013

5.1. – Poste de médiateur, quelle interface avec le public ?

Le titre de médiateur vient de ce que les Anglo-saxons appellent un ombudsman. La fonction - née en Suède en 1809 - vise à défendre les citoyens face aux services publics.

En 1970, le Washington Post crée le premier médiateur de presse : « un journaliste chargé des relations entre le journal et ses lecteurs, [a pour fonction] d’entendre les griefs de ceux-ci, de rédiger des notes internes et de publier une chronique en toute liberté d’expression ». (AGNES Yves, les médiateurs de presse en France, Cahiers du journalisme n°18, Printemps 2008, Québec, p.34)

Ce n’est qu’à partir des années 80 que l’Europe découvre la fonction de médiation. André Laurens est le premier médiateur français, au journal Le Monde, en 1984. Le quotidien espagnol El País crée la fonction de « defensor del lector » en 1985.

D’une manière générale, il est difficile de dresser une typologie, et encore plus une définition précise de la fonction tant elle recouvre des réalités différentes selon les rédactions ou les pays. « L’organisation internationale des médiateurs de presse» (www.newsombudsmen.org) décrit néanmoins le médiateur comme étant celui qui « reçoit et traite les plaintes de lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs concernant la pertinence et l’équilibre dans le traitement d’une information. Il/elle recommande ensuite les moyens plus appropriés pour corriger ou clarifier la production journalistique. »

Dans « Médiateurs de presse ou press ombudsmen. La presse en quête de crédibilité a-t-elle trouvé son Zorro ? » Collection Journalisme responsable, alliance internationale de journaliste, mars 2008 ( www.alliance-journalistes.net/IMG/pdf/mediateur_int_exe_bat.pdf), Frédérique Béal décrit deux modèles théoriques de médiation.

  • Le « médiateur réconciliateur » dont le rôle est de jouer l’intermédiaire entre la rédaction et ses lecteurs dans un but de conciliation

  • « L’ombudsman régulateur » dont la fonction au-delà de la conciliation est d’appliquer des sanctions.

L’auteur insiste sur le fait que la plupart du temps, le médiateur oscille entre ces deux pôles tantôt conciliateur, tantôt juge.

Au Brésil, seuls quelques rares médias de presse se sont dotés d’un médiateur (la Folha, TV cultura…)

En Suisse il existe actuellement sept médiateurs dont quatre ne dépendent pas de titres mais travaillent au niveau d’un groupe de presse. Un chiffre stable depuis plusieurs années.

Les médias de presse indiens n’ont pas de médiateur, à l’exception de celui de The Hindu, appelé « reader editor ».

L’idée d’un médiateur de presse n’a jamais remporté un grand succès en Belgique. En Flandre, l’unique médiateur (au journal De Morgen, de tendance centre-gauche) n’existe plus depuis que le conseil de presse fonctionne… Du côté de la Belgique francophone, il en a existé un au quotidien « Le Soir » dont le poste n’a pas été reconduit.

Il existe peu de médiateurs en Espagne. La démocratie y étant récente, la presse ne s’est pas encore appropriée cette pratique professionnelle. La plupart des journaux ont conservé le principe d’une médiation informelle assurée par une personnalité interne, respectant ainsi la tradition de presse d’auteur qui lie un quotidien au nom de son directeur (les gens parlent souvent d’El Mundo de « machin » ou d’El ABC de « chose »).

El País a été le premier à créer un poste de médiateur en 1985, suivi par La Vanguardia en 1993, puis par Punt Diari / Avui et El Periódico (dont le médiateur a surtout en charge de veiller à l’égalité des sexes dans la publication), La Voz de Galicia, et enfin par la télévision nationale espagnole (TVE) et les radios/télévisions catalane (TV3) et andalouse (Canal Sur).

Réponses complètes

La Libre Belgique : Rédaction en chef

En l’absence d’un poste spécifique, c’est le rédacteur en chef, aidé de deux secrétaires, qui gère les relations avec le public.

Les 2/3 d’abonnés semblent très attachés au journal et réagissent volontiers. A priori, leurs interpellations reçoivent systématiquement une réponse individuelle.

RTBF : Information du public

Le contrat de gestion de la RTBF définit la médiation comme le service qui centralise l’ensemble des avis, des plaintes et des demandes d’information émanant du public.

Dans 93% des cas, le moteur de recherche présent sur le site de la RTBF suffit à renvoyer les internautes vers les contenus adaptés. Ceux qui n’ont pas trouvé de réponse satisfaisante peuvent remplir un formulaire. La médiatrice doit alors rechercher les éléments d’information demandés et fournir une réponse circonstanciée dans un délai maximum de 30 jours ouvrés. Le dialogue avec le public est donc assuré via des réponses individuelles aux remarques et des passages à l’antenne.

Une fois par an, la médiatrice publie un rapport.

Le Soir : Non

Un poste de médiateur, qui disposait alors d’une chronique hebdomadaire, a existé entre 2002 et 2005. Quand ce dernier est devenu rédacteur en chef, il ne s’est trouvé personne pour lui succéder.

Cruzeiro do sul : Non

O Estado de S. Paulo : Non mais…

Le journal n’a pas de médiateur en tant que personne physique mais un système d’accueil au lecteur a été mis en place.

Rádio CBN : Non mais

Il n’existe qu’une rubrique de médiation en ligne qui reçoit les critiques, suggestions, dénonciations et réclamations des auditeurs.

Les mails de « Parle avec nous » parviennent au service de Gestion Nationale du Journalisme qui réacheminent tous les messages à leurs destinataires respectifs.

En outre, la radio reçoit de nombreux retours du public, adressés directement aux présentateurs pendant la diffusion de leurs programmes. Cette réactivité peut inciter la rédaction à modifier ses choix éditoriaux au fil de la journée.

TV Cultura : Un autre type de médiation

La chaîne a eu un médiateur pendant une très courte période, mais la relation avec la rédaction a été conflictuelle parce que les journalistes du service public ne sont pas ouverts à la critique.

Il existe actuellement un espace de recueil des messages de téléspectateurs (les réclamations ou les éloges) qui fonctionne par téléphone et email.

Chaque jour des dizaines de messages sont ainsi transmis aux rédacteurs en chef des programmes. Les critiques sont toujours transférées au journaliste (chroniqueur, reporter, présentateur, etc).

Des suggestions de sujet sont aussi fréquemment envoyées à la rédaction du journal, entre 250 et 300 par semaine.

TV TEM : Pas de médiateur

El País : Oui

Cette fonction existe depuis 1985 et s’exerce de façon indépendante pour une période de deux ans renouvelable au maximum 4 fois. Le médiateur est nommé par le directeur du journal et dispose d’une totale indépendance, il ne peut pas être licencié. Le médiateur peut agir à la demande du lecteur ou de son propre fait.

Une rubrique « médiation » peut être publiée dans la section « Opinion » du dimanche, et à tout moment sur le blog du médiateur quand celui-ci le décide. Ses publications sont les seules à ne pas être relues et ne font l’objet d’aucun contrôle.

Rádio Barcelona - Cadena SER : Non

RNE : Oui

RNE a créé le poste de médiateur le 29 novembre 2007. L’actuelle médiatrice est en poste depuis le 20 mars 2009. Les médiateurs sont le plus souvent des journalistes qui ont passé de nombreuses années à la RNE. Le poste est renouvelé tous les 3 ans.

Même si le médiateur de la RTVE est salarié et payé par le groupe, il bénéficie d’un statut indépendant, ne recevant aucune instruction ni de la RNE (radio) ni de la TVE (télévision). Sa fonction lui permet d’interpeller n’importe quel collaborateur du média, ce dernier ayant l’obligation de lui répondre et de lui fournir les explications attendues par écrit.

L’actuelle médiatrice dispose de plusieurs espaces de diffusion : une rubrique sur le net ainsi qu’un programme mensuel sur la TV2 où elle répond aux plaintes en présence des directeurs du programme ou de l’information mis en cause.

TVE : Un médiateur et une tribune

RTVE a un médiateur. Ce service offre à l’auditeur et au téléspectateur une communication directe qui lui permet de présenter ses plaintes, réclamation et suggestions. La médiatrice reçoit ces observations, obtient les explications pertinentes et présente son évaluation sur sa page web et lors de son programme de télévision “RTVE responde” (RTVE répond).

La Vanguardia : Oui

La tribune du médiateur (Defensor del Lector) est publiée un dimanche sur deux, dans les pages « Opinion » du journal papier et dans l’édition numérique. En cas d’urgence, le médiateur peut intervenir hors de ces créneaux.

Le médiateur a reçu moins de plaintes dernièrement car les lecteurs expriment leurs commentaires directement au-dessous de chaque article. Il estime cependant que 3 emails sur la même actualité suffisent pour qu’il y apporte une réponse dans sa prochaine chronique ou en lançant le débat.

Outre la médiation du journal, La Vanguardia suit strictement les décisions du Consell de la Informació de la Catalogne (CIC) dont le but est de veiller à l’accomplissement des principes éthiques de la profession journalistique. Si un lecteur voit transgresser ses droits il peut demander une protection au CIC.

La Croix : Non

La Dépêche du Midi : Oui

Le poste de médiateur existe depuis 2001. Indépendant, il n’appartient pas à la rédaction et possède un statut de consultant. Il n’est pas salarié mais rémunéré en honoraire.

Sa chronique est mensuelle.

Europe 1 : Non, mais via internet

Pas de médiateur mais de plus en plus d’interfaces sont créées entre la radio et ses auditeurs. D’abord par le Club Europe 1 : des invitations peuvent être ainsi lancées, lors d’une opération de délocalisation du journal ou d’une émission. Surtout, sur le site europe1.fr (un million de visiteurs), une rubrique « Contact », avec plusieurs entrées, permet aux auditeurs de donner leur avis sur une émission, la grille des programmes ou un animateur, également sur le traitement de l’actualité. Toujours via cette rubrique, ils peuvent également contacter un journaliste. Un service est chargé de traiter ces questions et de les transmettre, soit aux personnes concernées, soit à Denis Olivennes, PDG d’Europe 1.

Le Figaro : Non

France 2 : La voix du public

Le principal rôle du médiateur est d’être un relai de la voix du public vers la rédaction.

Il diffuse au moins une fois par mois une lettre d’information auprès de la rédaction, par exemple pour rappeler les règles professionnelles. Il dialogue en direct ou par mail avec les différentes strates hiérarchiques de la rédaction mais n’a aucun pouvoir d’intervention.

Le médiateur ne dispose plus d’émission depuis 4 ans. Une réflexion est en cours pour réitérer l’expérience.

Issu de la rédaction, il dépend directement du président de France Télévisions.

France 24 : Oui

Dans le cadre de son appartenance à France Médias Monde, France 24 s’est dotée d’un médiateur.

France Inter : Service aux auditeurs

Le poste de médiateur de Radio France a été créé en 2002. Jérôme Bouvier, qui officie actuellement, est un journaliste (il a dirigé les rédactions de France Culture et Radio France Internationale). Son rôle est de porter la parole des auditeurs auprès des journalistes et des producteurs de la radio publique. Il se positionne à la fois comme un relais et comme un recours. Il rend compte des courriels reçus lors de rendez-vous réguliers sur les antennes de France Info, France Culture et France Inter, sur France Bleue et le Mouv quand le besoin s’en fait sentir.

Les auditeurs peuvent également contacter le Médiateur via le site « Espace public » où les échanges sont mis en partage ou par le biais de l’adresse mediateur(arobase)radiofrance.com, si l’auditeur souhaite que sa correspondance demeure privée.

C’est aussi le médiateur qui valide les mails que les auditeurs lui adressent avant qu’ils soient mis en ligne.

Libération : Non

Il n’y a jamais eu de projets de création d’un poste de médiateur à Libération.

Le Monde : Oui

Le poste de médiateur a été créé en 1994 et confié à l’époque à l’ancien directeur du journal André Laurens.

Le quotidien rappelle sur son site que « le médiateur est à la fois un réceptionniste (des plaintes, critiques et suggestions), un intermédiaire (entre nos lecteurs et le journal) et une sorte de juge de paix ».

Il dispose de plusieurs moyens d’action : le Courrier des lecteurs, une chronique publiée dans le numéro du week-end et un blog mediateur.blog.lemonde.fr

La Montagne : Oui

Bernard Stéphan, le rédacteur en chef adjoint, est responsable (par ailleurs) d’une chronique hebdomadaire intitulée « Le médiateur ». Il répond à un certain nombre de courriers – exponentiels, depuis sa création en septembre 2011 – et rédige un article de synthèse.

La Nouvelle République : Non, mais une page quotidienne

Pas de médiateur mais une page « Dialogue » à la « Tourne » (dernière page) du journal, chaque jour depuis une trentaine d’années, permet cet échange avec le public. Elle est animée par deux journalistes, Yves Mary et Christophe Boutin.

Ouest France : Non

Le Parisien/Aujourd’hui en France : Non

Le Progrès : Non mais…

À la fin des années 1990 Le Progrès a eu un médiateur mais le poste n’a pas été renouvelé après son départ.

Aujourd’hui la médiation se fait à travers le Courrier des lecteurs auquel la rubrique « Forum » est réservée.

Depuis peu, le Progrès a mis en place un nouveau type d’interface avec le public, sous la forme d’un fil rouge d’information. Les lecteurs sont invités à écrire un mail ou à appeler un numéro de téléphone pour alerter la rédaction et lui fournir le plus rapidement possible matière à actualité.

La Provence : Non

RTL : Pas de médiateur mais…

Des émissions toujours plus nombreuses donnent la parole aux auditeurs, notamment pour réagir sur les questions d’actualité.

Le blog « les auditeurs ont la parole » est également géré par deux personnes de RTL et donne la possibilité à chacun d’apporter des témoignages, de poser des questions sur le fond ou la forme d’une information traitée à l’antenne mais aussi de participer à des « sondages » sur des thèmes très précis et qui résonnent avec le contenu de l’antenne.

Sud Ouest : Un blog et une chronique papier

Le médiateur incarne d’une part le lien entre la rédaction et les lecteurs, et d’autre part la garantie de l’application de la charte rédactionnelle. Il peut intervenir au sein de la rédaction s’il considère qu’il y a eu un manquement au texte de référence, mais il ne rendra publiques ses conclusions que s’il est saisi sur le sujet par un lecteur.

Le médiateur rédige une chronique hebdomadaire, chaque samedi, dans le journal papier où il cite des témoignages de lecteurs (qui portent généralement sur des points de désaccords avec le journal, tels un choix de titre ou une information jugée surdimensionnée).

Sur son blog, il répond à leurs questions.

Enfin il diffuse une fois par mois environ une lettre d’information interne auprès de la rédaction afin de donner aux journalistes les réactions des lecteurs sur le traitement de l’information.

Sud Radio : Non

TF1 : Explication et veille

La médiatrice reçoit les avis, demandes d’explications et plaintes du public via le Service des téléspectateurs sur le site de TF1.

Elle répond sur sa page web et son compte Twitter en donnant des explications sur les règles de fabrication du journal télévisé. Elle peut aussi fournir des éléments d’information directement à la personne qui l’a sollicitée.

La médiatrice fait également remonter à la rédaction des réactions qui reviennent souvent.

La Voix du Nord : Non mais…

Le rédacteur en chef (et éditorialiste) affirme faire office de médiateur : « Je ne vois pas comment quelqu’un ne travaillant plus dans la rédaction peut faire office de médiateur ».

Mid-day : Non

Ce sont les rédacteurs en chef qui répondent au public.

The Hindu : Oui

Le médiateur traite les appels de lecteurs et dispose d’un espace éditorial pour apporter des réponses. Il se nomme le « reader editor », il est unique dans le pays et possède une rubrique quotidienne.

TV News 9 : Pas de médiateur

BBC : Oui

En 2010, la cellule de gestion des plaintes éditoriales (« Editorial complaints unit ») a reçu 220 000 messages, gérés par une équipe de 6 personnes.

Dans 250 à 270 cas environ, le téléspectateur n’est pas satisfait par la réponse qui lui est faite et maintient sa plainte. C’est alors que le médiateur Fraser Steel intervient pour vérifier s’il y a eu ou non manquement à la politique éditoriale.

Fraser Steel travaille en interaction constante avec David Jordan, le responsable du service de contrôle de la politique éditoriale (« Editorial policy team »).

Il répond par une lettre recommandée en rappelant quelles sont les règles qui s’appliquent dans le cas concerné. Il visionne l’émission ou le reportage mis en cause et s’entretient avec le journaliste avant de prendre une décision.

Si la plainte lui semble justifiée, le médiateur en réfère au chef du service concerné et envoie un courrier au plaignant où il s’excuse au nom de la BBC. Les excuses peuvent aussi être publiées sur le site web ou diffusées à l’antenne.

Les décisions de la cellule de gestion des plaintes éditoriales sont souveraines, et le médiateur rend des comptes directement au BBC Trust, l’entité qui définit la stratégie globale de la BBC.

The Guardian : Oui, récipiendaire des plaintes

Quand le médiateur réceptionne la plainte d’un lecteur, il enquête, fournit des explications, publie un correctif ou fait des excuses au nom du journal.

Contrairement au rédacteur en chef, le médiateur ne possède aucun rôle disciplinaire, ce qui ne l’empêche pas d’intervenir en conférence de rédaction pour attirer l’attention sur un manquement éventuel au code de déontologie.

Il dispose d’une rubrique dans le journal tous les lundis ainsi que d’une page sur le site.

La Liberté : Non

RTS : Oui mais externe

Les journalistes - via le site internet – gèrent directement leurs relations avec le public. Le médiateur n’intervient qu’à l’occasion de difficultés juridiques, un rôle d’ombudsman à l’anglo-saxonne.

Depuis 2001, le médiateur est nommé par le Conseil du public. Il est indépendant, ni juriste, ni journaliste. En cas de plainte, il mène une enquête auprès des journalistes concernés avant de tenter une médiation en dehors du média. Le médiateur n’a aucun pouvoir de sanction. Si la médiation n’aboutit pas, la loi offre la possibilité d’un recours auprès de l’Autorité indépendante d’examen des plaintes (AIEP).

Ce médiateur rédige également un rapport annuel présenté au Conseil du public et dans l’émission de radio Médialogues.

Le Temps : Non mais

Le Temps reconnaît le Conseil suisse de la presse comme organe de médiation.