Archives 2013

4.4. – Quel traitement du fait divers ?

Les journalistes doivent, dans un premier temps, respecter la loi et les textes normatifs.

La Convention Européenne des Droits de l’Homme dans son article 6-2 (www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf) spécifie que : « toute personne accusée d’une infraction a le droit d’être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». L’article 8 protège le droit de tout citoyen au respect de sa vie privée. Il énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

La législation de chaque pays décline ensuite pour la presse ces notions de respect de la présomption d’innocence et de vie privée mais aussi de respect du statut des mineurs…

De plus, certaines rédactions se sont dotées d’un code de conduite ou de règles spécifiques formalisées pour traiter ce que la presse française nomme « les faits divers ».

Les pratiques des journalistes travaillant pour le même titre sont ainsi normalisées.

En Belgique, la fondation du roi Baudouin et l’Association des Journalistes Professionnels ont ouvert un site sur le thème des relations entre presse et justice : www.presse-justice.be/home.php?&lang=fr. Ils ont également édité un guide « Presse et Justice » qui poursuit deux objectifs : " mettre à la disposition des journalistes une information de base sur notre système judiciaire et présenter les principes déontologiques en vigueur et les règles légales à respecter dans l’accès aux sources et le traitement des informations liées à l’actualité judiciaire. »

Le Conseil suisse de la presse a émis dans ces dernières directives (sans valeur contraignante) un certain nombre de règles pour traiter les « faits divers » : www.presserat.ch/Documents/directives09.pdf

En Espagne la présomption d’innocence est une garantie constitutionnelle. La loi qui régit le droit à l’honneur, à l’intimité familiale et personnelle ou le droit à l’image date de 1982. Mais la justice agit souvent au cas par cas,selon une jurisprudence fournie.

Le code de déontologie - « Principes généraux » - du principal syndicat de journalistes (www.fape.es) donne quelques précisions supplémentaires en encourageant par exemple les professionnels à « s’abstenir d’interviewer, de photographier ou de filmer des mineurs dans le cadre de délits ou dans un cadre privé.»

En l’absence de législation brésilienne sur le traitement des faits divers, la tendance est à la “spectacularisation” et donc à l’abus des images « choc ». Certains - rares - médias se sont dotés de règles mais le plus souvent, c’est bien l’image la plus « vendeuse » qui est publiée.

Il n’existe en Inde aucune loi spécifique sur la presse, donc rien sur le traitement de ce que nous appelons les « faits divers ». En revanche les principes défendus par le conseil de presse font quasiment office de lois.

Réponses complètes

La Libre Belgique : En fonction de l’impact sociétal

Le journal traite peu les faits divers et seulement s’ils sont révélateurs de faits sociétaux ou du fonctionnement de la justice. La rédaction affiche une volonté de mise en perspective et d’exigence comparable à celle qui serait requise pour des sujets politiques ou économiques.

La Libre Belgique ne publie pas de photos « volées » par respect pour la présomption d’innocence et pour ne pas entraver la bonne marche de la justice. Elle ne divulgue jamais les noms des mineurs.

RTBF : En fonction de l’impact sociétal

La RTBF souhaite traiter les faits divers sans sensationnalisme, en prenant la juste mesure de leur impact sur la société. Les journalistes évaluent souvent la situation sur place. La loi qui interdit de nommer avant jugement une personne n’est pas appliquée pour les « personnalités publique ».

Le Soir : Une gestion personnalisée

La tradition informelle est gérée par le chef du département « faits divers ».

Cruzeiro do sul : La dignité de la personne en priorité

Le journal ne se contente pas de respecter la loi mais suit les orientations de l’Association Brésilienne de Presse qui prétend préserver en priorité l’honneur du citoyen.

Le texte sur le « statut de l’Enfance et de l’Adolescence » est fondamental, il impose de préserver les mineurs de situations (ou photos) embarrassantes.

Dans les prochains mois seront mises en place des normes pour la couverture des faits divers.

O Estado de S. Paulo : En respectant le travail de la justice

L’orientation générale est de protéger surtout l’identité des mineurs en floutant le visage.

Les informations sont publiées lorsque le fait est considéré comme « consommé » : quand la police fédérale investit un lieu, par exemple. Mais, en revanche, dans un cas de prise d’otage, l’information sera maintenue secrète pour ne pas gêner le travail d’investigation policière.

La présomption d’innocence est traitée avec la plus grande attention, tant dans les textes et dans les titres.

Rádio CBN : Respect de la loi et vérification

Toute information impliquant des mineurs respecte la loi sur le Statut de l’Enfant et de l’Adolescent. Les mineurs ayant commis des infractions ne sont pas exposés.

Face à une dénonciation de corruption, toutes les versions de l’histoire sont recherchées et la personne mise en cause peut s’exprimer.

Toute information reprise d’un autre média fait l’objet d’une vérification.

TV Cultura : Peu traités mais dans le respect des personnes

Les attentions sont celles d’une chaîne éducative qui ne traite que rarement des faits divers, ce qui n’empêche pas la chaîne d’aborder les problèmes sérieux du pays comme l’exploitation sexuelle des enfants.

Dans ce cas, le sensationnalisme est évité, en protégeant les mineurs comme l’ordonne la loi.

Les reportages sur la corruption veillent à garantir l’expression de toutes les parties et à ne porter préjudice à personne.

TV TEM : Respect des droits humains

TV TEM suit les normes journalistiques de TV GLOBO qui respectent et préservent les droits humains des personnes interviewées : enfants, criminels, les personnes qui souhaitent restées anonymes…

Les suicides ne sont pas signalés et les enlèvements ne sont rendues publiques qu’après leur résolution.

Chaque cas est évidemment particulier, mais en règle générale la chaîne ne montre ni victimes ni accusés ; elle ne divulgue évidemment pas d’adresses ni de photos.

El País : Des règles et usages

Les noms complets des personnes en procédure judiciaire peuvent être mentionnés. Dans le cas de certaines affaires graves (de terrorisme par exemple) le nom des auteurs est publié ; mais pour toute autre personne citée, seules les initiales seront utilisées si la révélation de son patronyme peut la mettre en danger.. Cette règle s’applique également pour les victimes et en particulier les femmes ayant subi un viol. Les procès sont publics à l’exception de prévenu mineur, dans ce cas seules ses initiales figurent dans l’article.

La présomption d’innocence est respectée.

Rádio Barcelona - Cadena SER : Équilibre permanent

La politique de Radio Barcelona consiste à toujours veiller à doser et dimensionner les faits divers. Les drames passionnels sont systématiquement rejetés. La station met avant tout en pratique les règles légales de respect de l’intimité, du droit à l’image, etc… qui protègent les citoyens.

RNE : Référence au livre de style

Les règles sont explicitées dans le Livre de style et portent évidemment sur le respect de la personne en général et plus particulièrement des victimes et de leurs familles, ainsi que des enfants.

La RNE s’est appropriée toutes les règles déontologiques habituelles relatives au traitement des faits divers.

TVE : Respect du cadre légal

La mention ou non des noms des personnes impliquées dans les faits divers est déterminée par la situation de la personne : s’il s’agit de la victime, prime alors son droit à ne pas être identifiable sur le droit des citoyens à être informés. Si, au contraire, il s’agit du délinquant, il est de notre obligation d’identifier suffisamment le présumé coupable puisque ces données constituent la partie essentielle du fait divers. Uniquement en cas de délinquants mineurs, les données doivent être éluder afin d’empêcher une identification sans équivoque.

Les adresses ne doivent pas être révélées sans le consentement des personnes faisant l’objet de l’information.

La Vanguardia : Un livre de style précis

Le livre de style du journal insiste sur le respect de la présomption d’innocence. Les noms ne sont pas révélés, sauf s’il s’agit d’une identité “publique et notoire”. L’information sur les victimes répond également à une norme stricte qui définit quand doit être révélée l’identité et l’usage des initiales en fonction de l’âge, du type de délit et de la gravité du crime. Les parents directs des victimes ou suspects ne sont désignés que par leurs initiales.

Les images de mineurs présentés dans des conduites illégales sont floutées, comme peuvent l’être celles des forces de l’ordre.

De même, pour lutter contre la xénophobie et le racisme, le journal veille au respect des valeurs multiculturelles et multireligieuses, il s’interdit tout amalgame entre émigration et délinquance, comme cela arrive trop fréquemment.

La Croix : Quasiment pas de fait divers

Le quotidien catholique ne traite pas les faits divers. Non par un rejet de principe mais par manque d’intérêt de ses lecteurs.

La Dépêche du Midi : Toujours en débat

La question du traitement harmonisé du fait divers est un débat ancien qui n’est toujours pas tranché. La rédaction continue ainsi de s’interroger sur la publication ou non d’un nom, notamment quand s’il s’agit de celui d’un notable… La réponse dépend de plusieurs critères : la nature du fait divers, l’impact sur la personne, etc.

La gestion du fait divers à La Dépêche du Midi relève largement du cas par cas sans qu’un corpus de règles communes ait été établi.

Europe 1 : Une place relative

Europe 1, qui se définit comme « une radio populaire de qualité », n’accorde qu’une place relative aux faits divers. Une cellule « Police-Justice », constituée de 5 journalistes, fait le tri et s’occupe de leur traitement. Premier critère : que l’histoire soit « signifiante par rapport à notre époque ». Deuxième critère : qu’elle ne soit pas « trop sordide ».

Le Figaro : Pas de règles formelles

Les prescriptions légales sont respectées, le but étant d’éviter au maximum les procès. L’absence de formalisation est en partie due à la pression du temps. Néanmoins le travail d’équipe permet le plus souvent d’éviter toute entorse aux règles déontologiques (multiples relectures : chef de service, rédacteur en chef, secrétaire de rédaction…).

France 2 : En fonction de son retentissement sociétal

Le fait divers est traité en fonction de son retentissement sociétal et /ou de sa dimension exemplaire. La récurrence d’un fait est ainsi un élément à prendre en compte.

L’ambition didactique du JT de France 2 se traduit par une volonté de donner des clés de compréhension en traitant un sujet de fond en lien direct avec le fait divers.

Dans les textes normatifs de la chaîne, l’accent est mis sur l’importance de reporter les faits de la façon la plus honnête possible.

France 24 : Composer avec toutes les cultures

En tant que chaîne internationale France 24 traite peu les faits divers.

France Inter : Rigoureux

Les faits divers sont le plus souvent traités par des journalistes spécialisés et regroupés dans le service « enquêtes et faits divers ».

Si pour l’instant, les règles spécifiques à France Inter ne sont pas formalisées par écrit, elles sont échangées et pratiquées tous les jours grâce à une culture maison très forte.

Le service possède également son propre blog : www.franceinter.fr/blog-main-courante.

Libération : Le respect de l’individu

Dans la mesure du possible la vie privée est respectée, notamment lorsqu’il s’agit de mineurs. Les noms, lorsqu’ils peuvent donner lieu à des caricatures (notamment racistes) ne sont pas cités.

Des critères plus classiques sont également pris en compte dans la citation des noms et la publication d’informations concernant l’intéressé : sa notoriété publique, son âge, la gravité des faits reprochés…

Le Monde : Rien de formel

Les noms sont cités dans le respect de la loi.

Lorsqu’une personne est mise en examen, donc toujours sous le coup de la présomption d’innocence, son nom est également imprimé.

La Montagne : Une charte spécifique

Afin de pouvoir donner une réponse cohérente et homogène à l’ensemble des journalistes du groupe, une charte des faits-divers a été publiée en octobre 2012. Elle stipule notamment dans quels cas le nom des personnes (victimes et/ou suspects) peut être publié. Reste que depuis toujours, La Montagne – comme les 6 autres quotidiens du groupe Centre-France – s’est fixé le respect pour règle de conduite. Respect des personnes, des communautés et des parties en présence (auteurs, victimes, police…). Tant qu’un doute, même léger, n’est pas levé (par rapport à une identité, dans le cas d’un assassinat par exemple), l’information n’est pas publiée. Ne serait-ce que pour des raisons de proximité : ce quotidien est l’un de ceux qui a le plus fort taux de pénétration en France. Plus d’un Auvergnat sur deux lit La Montagne…

La Nouvelle République : Au cas par cas

A priori, tous les journalistes sont amenés à couvrir les faits divers, notamment ceux qui travaillent en rédaction détachée. Pour autant, dans chaque édition départementale, un journaliste est attaché à cette rubrique, afin d’entretenir une relation permanente avec la justice et la police locales. Il n’y a pas de code ni de charte formalisée. La question la plus récurrente dans la pratique des faits divers reste celle concernant le nom des justiciables : doit-on le publier ou pas ? La réponse, en concertation avec la hiérarchie, se fait au cas par cas.

Ouest France : Une charte interne pionnière

Ouest-France a été le premier quotidien français à se doter d’une Charte du traitement du fait divers, en 1990.

Depuis lors, la question n’a cessé d’être réactualisée afin de maintenir des pratiques similaires et cohérentes dans les nombreuses rédactions délocalisées, pour éviter les procès et pour rester fidèle aux valeurs du journal.

Le Parisien/Aujourd’hui en France : Au cas par cas

Reste que le traitement des faits divers repose sur le respect total de la présomption d’innocence et sur le respect des victimes.

Le Progrès : Une pratique de longue date

Historiquement, Le Progrès traite beaucoup les faits divers, les pratiques sont reconnues comme plutôt correctes.

En principe, les noms des personnes condamnées à moins d’un an de prison ne sont pas cités. Mais la tendance générale est plutôt de citer les noms pour davantage « responsabiliser le journaliste qui rédige l’article ».

La question reste gérée de manière assez pragmatique, un certain nombre de facteurs entrant en ligne de compte : le contexte familial, la place de l’individu dans la vie publique, le type d’infraction…

La Provence : Quelques règles informelles

La gestion du fait divers se fait au cas par cas. La Provence a ainsi établi quelques règles informelles comme celle consistant à ne pas citer de nom propre pour les petites infractions ou à revendiquer une certaine décence dans les photos.

RTL : Culture du scoop

Pas de charte spécifique, bien que RTL accorde une grande importance aux faits divers. Une cellule police-justice, nantie de 4 journalistes aguerris, fonctionne à temps plein. L’objectif est de « sortir » le maximum d’informations : c’est une culture du scoop. Reste que l’information est doublement vérifiée. Et qu’un certain nombre de principes éthiques sont respectés. Ainsi,

lorsque l’on interroge l’un des protagonistes d’une affaire, il lui est toujours précisé que cette interview est amenée à être diffusée. S’il refuse, sa volonté est respectée.

Sud Ouest : Vigilance

En cas de sujet sensible, la hiérarchie est prévenue et réagit à plusieurs niveaux de validation : le chef d’agence, le rédacteur en chef adjoint, le rédacteur en chef et le directeur de la publication.

Sud Radio : Un professionnel référent

Karim Hacene - journaliste et présentateur d’une émission quotidienne sur les faits divers et les affaires criminelles présentes et passées - est la personne référence de cette rubrique. Outre la responsabilité du contenu éditorial de son émission, il gère le suivi des affaires et les contacts avec les professionnels (police/justice). Les reportages « terrain » sont assurés par les journalistes de la rédaction qui ne sont pas spécialisés. Ainsi, pendant « L’Affaire Merah » à Toulouse, quatre reporters, dont deux confirmés, se sont relayés sur place.

TF1 : En fonction de son exemplarité

TF1 ne traite les faits divers que s’ils sont révélateurs d’un fait sociétal. La rédaction tente d’évaluer cette dimension à la lecture des dépêches et éventuellement au terme d’une pré-enquête.

La Voix du Nord : Un texte de référence

Une charte intitulée « faits divers justice » a été rédigée avec l’aide de juristes en juin 2008.

Mid-day : Des faits et pas de sensationnalisme

The Hindu : Éviter le sensationnalisme

En cas de reportages sur des crimes ou délits, les noms et photographies des personnes impliquées sont publiés.

Bien qu’il existe une loi contre la diffamation, la présomption d’innocence est généralement peu respectée, même si The Hindu fait des efforts pour éviter le sensationnalisme.

TV News 9 : Selon le code ministériel

BBC : Responsable et contextualisé

La BBC essaie de ne pas donner trop d’importance aux faits divers, ils ne font d’ailleurs jamais l’ouverture d’un journal.

Dans leur traitement, l’accent est mis sur la contextualisation et la mise en perspective.

La BBC est très attentive à ne pas diffuser des images qui pourraient choquer les victimes et leurs familles.

The Guardian : Avec précaution

The Guardian s’intéresse aux histoires qui ont du sens et les traite avec précaution.

Le journal évite ainsi les détails sur les méthodes de suicide.

Il est attentif également à ne pas abuser des termes psychiatriques pour décrire un criminel.

Les journalistes ne harcèlent pas les familles des victimes et ne mettent pas en avant les émotions de celle-ci.

Ils n’interviewent pas de jeune de moins de 16 ans, à moins d’avoir l’autorisation des parents.

La Liberté : Selon les valeurs du journal

La loi fédérale n’est pas très bavarde sur le traitement des faits divers dans la presse. C’est davantage le conseil suisse de la presse qui donne régulièrement des avis et établit les « bonnes ou mauvaises » pratiques.

La Liberté se fonde essentiellement sur la mise en pratique des valeurs revendiquées par le journal.

RTS : La prudence

Les personnes menottées ne sont en principe pas montrées.

Afin de respecter la présomption d’innocence, la diffusion des noms est soumise à des règles strictes : que la personne mise en cause soit considérée comme « publique », que l’acte reproché soit lié à son activité et qu’il en aille de la sauvegarde de l’intérêt public.

En cas d’évasion, la photo d’un criminel dangereux sera diffusée mais aucun nom prononcé, pour protéger la famille.

Le Temps : Exclusivement selon la loi

Il n’y a pas de règles internes formalisées. Les règles juridiques édictées par le droit suisse en matière de citation des noms, de respect du secret de l’instruction et de publication des photos sont respectées.

Par exemple, pour qu’un nom puisse être publié, il est nécessaire qu’un double critère prévu par la loi soit rempli : l’importante notoriété de la personne et l’inculpation dans le cadre de son activité professionnelle.