Archives 2013

4.1. – Quelle gestion des voyages de presse et des journalistes « embarqués » ?

Le « voyages de presse » est un déplacement et/ou un séjour offert, tout ou en partie, par une entreprise, une ONG, une institution publique… à un journaliste pour qu’il rédige - ou pas - un article.

Le recours à cette pratique permet au journal de faire de substantielles économies mais place le professionnel « invité » dans une position de dépendance par rapport au commanditaire.

Certains quotidiens bannissent les voyages de presse, d’autres informent leurs lecteurs que l’article a été rédigé dans ce cadre précis, certains n’ont pas de politique officielle sur cette question, d’autres encore utilisent les voyages de presse en affirmant garantir leur liberté d’écriture…

Autre genre d’invitation, celle d’armée régulière qui emmène des journalistes sur le terrain d’action. Entre protection et censure, influence et proximité, comment ces relations entre les professionnels de la communication militaire et professionnels de l’information s’équilibrent-elle?

Réponses complètes

La Libre Belgique : Autorisés mais pas annoncés

Les voyages de presse sont acceptés par un chef de service. Ils n’induisent pas automatiquement un article et ne seront pas mentionnés en tant que tels.

Des journalistes ont été « embarqués » avec l’armée belge en Afghanistan. Le contrat contenait des clauses éditoriales comme l’interdiction de donner des détails spécifiques sur le type d’armement utilisé ou la localisation d’une unité.

RTBF : Autorisés mais non annoncés

Des journalistes « embarqués » sont partis avec l’armée belge en Afghanistan ou avec l’armée américaine en Irak. Les modifications exigées par l’armée ont été annoncées dans le reportage.

Le Soir : Autorisés et non annoncés

Cruzeiro do sul : Rares mais annoncés

Les invitations sont peu fréquentes. Quand il a lieu, le voyage de presse est toujours mentionné dans l’article.

O Estado de S. Paulo : Selon un seul critère

Depuis plusieurs années les invitations d’entreprises privées ne sont plus acceptées ; seules le sont celles de gouvernements et d’institutions uniquement quand le voyage revêt un réel intérêt journalistique.

Le lecteur est alors toujours informé quand le journaliste voyage sur invitation.

Rádio CBN : Autorisés et annoncés

Le premier critère est l’intérêt journalistique. Les voyages de presse sont acceptés lorsque l’information vaut la peine d’être traitée mais que sa couverture n’a pas pu être programmée pour raison budgétaire. Si le journaliste a bénéficié d’une invitation, l’auditeur en est toujours informé.

TV Cultura : Rares et non annoncés

La rédaction revendique toutefois une complète indépendance, même si le voyage est organisé.

TV TEM : Rares voire inexistants

La participation de journalistes de TV Tem à des voyages de presse reste très rare.

Ils ne sont jamais « embarqués », la chaîne ne couvre pas les zones de guerres ou de conflits, trop éloignés de la réalité régionale.

El País : Rares mais annoncés

Les prises en charge de voyages ou de séjours ne sont pas des pratiques courantes et doivent toujours faire l’objet d’une autorisation de la direction. Elles sont alors mentionnées dans l’article.

Rádio Barcelona - Cadena SER : Jamais

Aucun journaliste de Cadena Ser, Radio Barcelona ne peut accepter un voyage de presse. Le principe est interdit.

Radio Barcelona en tant que radio régionale ne couvre pas les conflits à l’étranger, c’est le siège de Cadena Ser à Madrid qui traite ces sujets d’information et donc la question des « journalistes embarqués ».

RNE : Annoncés quand ils sont autorisés

Les seuls voyages de presse acceptés par la RNE sont les déplacements pour accompagner les politiques. Tout autre voyage offert ou financé par une quelconque entité (entreprises, artistes, fondations… peu importe) et quel qu’en soit le sujet, est interdit.

En revanche les journalistes sont autorisés à suivre une armée ou toute escorte mise à leur disposition en zone de conflits.

Dans ces deux cas, les auditeurs sont toujours informés des conditions de production de l’information diffusée.

TVE : Rares mais annoncés

Les voyages de ce type sont très rares. TVE récuse systématiquement toute invitation pour des voyages exclusivement commerciaux de promotion d’un produit déterminé. S’il s’agit de voyages officiels du personnel de l’administration ou du gouvernement à l’invitation de gouvernements étrangers, TVE accepte en s’engageant à donner l’information des conditions du voyage.

La Vanguardia : Autorisés mais pas annoncés

Les statuts de la rédaction stipulent que les voyages de presse sont autorisés de “façon restrictive”. Un article écrit dans ces conditions ne mentionne pas le voyage de presse.

La Croix : Le plus possible sur les deniers du journal

Les voyages de presse ne sont pas formellement interdits mais demeurent peu utilisés. Le journal - très attaché à l’international - tente de partir le plus souvent possible en partageant les frais, pour ne pas complètement dépendre d’un donateur, fut-il humanitaire.

Régulièrement ressurgit le débat sur le signalement ou non dans les articles des conditions financières dans lesquelles un voyage a été effectué.

La Dépêche du Midi : Autorisés et non signalés

Les voyages de presse sont autorisés et non signalés comme tels dans les articles. Ils sont aussi de moins en moins nombreux.

Europe 1 : Voyages limités

La direction de l’information, qui veut limiter ce type de voyages, essaie d’être vigilante et demande à chacun des journalistes de lui soumettre les propositions avant de les accepter (ou pas).

Le Figaro : Autorisés et non signalés

France 2 : Autorisés et annoncés

Les voyages de presse sont interdits sauf en cas de difficulté d’accès au lieu du reportage (plate-forme offshore, voyage expérimental du TGV, zone de guerre..). Ils sont normalement annoncés à l’antenne.

Les voyages officiels sont facturés.

France 24 : Acceptés mais non annoncés

France 24 refuse de couvrir - contre rémunération - le voyage d’un président étranger.

La rédaction s’estime très attentive à l’identité et au statut des personnes qui proposent d’accueillir des journalistes

France Inter : Exceptionnels et annoncés

Les seuls voyages de presse autorisés sont ceux proposés par des organisations non marchandes, comme les ONG. Ils sont annoncés.

Libération : Selon la rubrique

La charte de Libération stipule que les voyages de presse ne sont pas autorisés.

Néanmoins l’économie de certains secteurs du quotidien oblige à plus de souplesse, c’est notamment le cas pour les rubriques voyage et tourisme.

Au chef de service de débattre avec la rédaction en chef et d’appliquer ses propres règles déontologiques : l’article ne mentionnera aucun nom et ne fera aucune publicité. Les entreprises invitantes n’exercent d’ailleurs aucune pression particulière car elles connaissent les principes du journal et se contentent de voir leurs activités évoquées dans un article.

Le Monde : En fonction des services

Un comité de rédaction a été organisé sur la question des voyages de presse. Il n’existe pas de règles formelles. Les pratiques varient en fonction des services. Si le service politique les refuse tous, ce n’est pas le cas des autres. La rubrique « tourisme » utilise des encadrés pour expliquer comment sont réalisés les articles.

Tout journaliste peut refuser de participer à un voyage de presse, sans avoir à s’en justifier. La participation à un voyage de presse ne saurait valoir engagement du journaliste ou de sa rédaction à publier un article.

Et si un papier est rédigé, il ne sera jamais agrémenté de la mention « envoyé spécial ».

La Montagne : Souple et ferme à la fois

Les voyages de presse sont acceptés si le journaliste reste libre de choisir l’angle de son papier, et si la relecture du papier n’est pas imposée par la puissance invitante. Un voyage proposé par l’Office de tourisme tunisien a pu, ainsi, déboucher sur un article relatant la désertification des lieux touristiques sur place. Article qui a été publié non pas en pages « Magazine », mais « Informations générales ».

La Nouvelle République : Autorisés et non annoncés

Seuls deux types de voyage de presse sont acceptés. D’abord ceux liés à l’actualité d’une grande entreprise (l’industrie de la Défense est très présente dans la région Centre). Organisés au départ pour récapituler un certain nombre de projets, ces voyages de presse peuvent aussi fourmiller de moments privilégiés pour recueillir des informations exclusives.

L’autre possibilité, ce sont les voyages de presse à vocation touristique. Là encore, la Nouvelle République peut y répondre de manière favorable.

Mais dans le premier comme dans le second cas, aucune contrepartie en termes rédactionnels n’est acceptée.

Ouest France : Peu fréquents et pas annoncés

Les offres de voyages de presse sont peu fréquentes. Quand le cas se présente, la rédaction en chef prend la décision de les accepter ou non.

Peut être acceptée la gratuité des voyages offerts par des agences de tourisme ou par les organisateurs d’événements sportifs particuliers tels que la voile ou l’automobile.

Peuvent également être acceptés des voyages pour une manifestation faisant l’objet d’une contribution du journal.

Il n’est pas précisé dans l’article qu’il s’agit d’un voyage de presse.

Le Parisien/Aujourd’hui en France : Indépendance

Une seule règle : le journaliste doit conserver son indépendance en matière de narration des faits.

Le Progrès : Autorisés et non signalés

La Provence : Autorisés et non signalés

La rédaction centralise les propositions de voyage de presse, prend la décision de les accepter ou non et décide de leur répartition.

RTL : Rares et non annoncés

Par principe, aucun journaliste ne part en voyage de presse sans le feu vert de la direction de la rédaction. Dans les faits, ces voyages de presse sont de plus en plus rares, la rédaction les finançant dans leur quasi-totalité, en prenant soin de rechercher - sauf urgence extrême - des billets à des prix compétitifs afin de multiplier les reportages. L’autofinancement de ces déplacements est motivé par le souci d’éviter tout conflit d’intérêt. Ainsi, pour les congrès médicaux, où les frais sont souvent pris en charge par des laboratoires pharmaceutiques, c’est RTL qui paye le prix du billet et l’hébergement du journaliste dépêché sur place.

Sud Ouest : Acceptés et pas toujours annoncés

Aucun voyage de presse n’induit systématiquement la rédaction d’un article.

Pour le supplément tourisme, les journalistes décident des sujets à traiter et partent sur leurs jours de congé.

Les voyages de presse ne sont pas annoncés dans l’article.

Les frais des voyages de presse « politiques » sont pris en charge par le journal.

Les voyages organisés par l’armée française sont acceptés et annoncés en tant que tels dans l’article.

Sud Radio : Rares et annoncés

Essentiellement pour des questions de moyens et de temps, les voyages de presse sont tout à fait exceptionnels. Il ne s’agit cependant pas d’un veto absolu : s’il offre un intérêt éditorial réel (un voyage à l’étranger avec le nouveau président de la République, par exemple), il peut être accepté. Et sera annoncé comme tel à l’antenne.

TF1 : Acceptés

La nouvelle direction de l’information n’accepte plus aucun voyage de presse à l’exception des congrès médicaux et des événements politiques (en remboursant les frais de déplacement).

TF1 envoie régulièrement des journalistes « embarqués » avec les armées française et américaine sans toutefois se couper d’autres sources. A l’occasion des essais nucléaires dans le pacifique par exemple, 3 journalistes se sont partagés le travail un avec les militaires, un avec les militants de Greenpeace et un à Papeete.

D’autre part, TF1 essaie toujours de réaliser des sujets périphériques, en-dehors de l’armée.

La pratique de « l’embarquement » est annoncée à la diffusion du reportage.

La Voix du Nord : Autorisés et non signalés

Mid-day : Pas de voyage de presse

Les journalistes ne couvrent les actualités que dans un rayon maximum de 20 kms autour de la ville de référence. Ils ont donc très rarement l’occasion de voyager, et dans ce cas le journal prend en charge tous les frais.

The Hindu : Aucun voyage de presse

Le nombre important de rédactions décentralisées du journal réduit considérablement le territoire couvert par chaque journaliste. Le plus souvent, ceux-ci ne se déplacent que pour les élections, les frais sont alors entièrement pris en charge par le journal.

TV News 9 : Ni l’un ni l’autre

BBC : Acceptés mais financés

Les voyages de presse sont acceptés à condition qu’ils soient facturés à la BBC.

Le principe du journaliste « embarqué » est accepté s’il n’existe aucune autre possibilité d’accéder à une zone de guerre. Des journalistes sont ainsi partis en Afghanistan et en Irak, avec l’armée britannique, l’armée américaine et avec les talibans. Les conditions de tournage sont alors clairement annoncées à la diffusion du reportage.

The Guardian : Acceptés et annoncés

En 2010, le Guardian a renforcé les règles pour les voyages de presse qui doivent impérativement être annoncés dans l’article.

Le quotidien rembourse les frais occasionnés par un voyage de presse organisé par le gouvernement.

Les reportages « embarqués » étaient depuis longtemps acceptés et systématiquement annoncés.

La Liberté : Tolérés et annoncés

Une règle informelle prévoit que l’article précise qu’il a été rédigé au cours ou après un voyage de presse.

RTS : Acceptés avec restrictions et pas annoncés

Les voyages de presse ne sont acceptés que s’il n’existe aucun autre moyen d’accéder à l’information.

En cas de voyage politique utilisant l’avion d’un ministre, la RTS règle les frais sur facture publique.

Invitée par une entreprise suisse, la RTS calcule le coût du voyage et verse la somme correspondante à une Ĺ“uvre caritative. Les voyages de presse ne sont pas annoncés comme tels dans les sujets, à la différence des professionnels « embarqués ».

Le Temps : Tolérés et annoncés

Les voyages de presse sont tolérés et doivent recevoir une autorisation claire de la direction de la rédaction.

Il en est automatiquement fait mention dans l’article.