4.3. – Quelle gestion des pressions politiques et économiques ?

Comment les quotidiens nationaux et régionaux mais aussi les chaînes de télévisions se prémunissent-ils d’éventuelles tentatives de pression économique ou politique ?

Quand la crise s’est installée, quand la situation politique est tendue, comment rester tout à fait vigilant sur les petits compromis ?

Existe-t-il des procédures formelles ou alors les situations délicates sont-elles gérées au coup par coup ?

Réponses complètes

Allemagne

Berliner Zeitung : Pas de formalisation

Il semblerait que les tentatives de pression soient rares.

ZDF : Réaction immédiate et publique

En cas de tentative de manipulation, par exemple par les gouvernements des Länder, la seule révélation des faits peut suffire à désamorcer la pression exercée. Ce fut le cas en 2012 lorsque le porte-parole du gouvernement Bavarois a été contraint de démissionner : article dans le quotidien français La Croix.

Sinon, les médias ont toujours une possibilité de recours pour excès de pouvoir devant les juridictions administratives jusqu’au Tribunal Constitutionnel Fédéral, fervent protecteur de l’indépendance de la presse publique.

Belgique

De Standaard : Le travail de la hiérarchie

De Standaard est toujours sous pression ; très régulièrement des tentatives d’influences s’y exercent. Il fait partie du travail courant des rédacteurs en chef de les recevoir, les écouter et les gérer en tentant de les éviter.

La Libre Belgique : Via la rédaction en chef

C’est la rédaction en chef qui gère ce type de pression en vérifiant avec le journaliste si la plainte est légitime ou non. S’il y a erreur ou approximation, celle-ci est rectifiée. Sinon elle reste sans suite.

Le Soir : Aucune disposition formelle

RTBF : Via la direction de l’information

La direction de l’information se tourne vers l’administrateur général en cas de pression significative.

Des pressions « injustifiées » peuvent être dénoncées à l’antenne. La direction de l’information peut également mener une enquête en interne si elle pense qu’une pression a modifié un contenu.

Brésil

A Folha de S. Paulo : Aucun compromis

A Folha ne cède à aucun type de pression.

Cruzeiro do sul : Aucune interférence n’est admise

Qu’elles soient politiques ou économiques, toute tentative de pression est « acheminée » vers le directeur de la publication. Mais elles sont ignorées, rien ne peut interférer dans la publication d’une information.

O Estado de S. Paulo : La voie légale

Le journal ne s’auto-censure pas et réagit aux pressions en engageant des actions auprès des tribunaux.

Le procès actuel qui oppose le journal au gouverneur Sarney est rendu public dans les pages de O Estado.

Rádio CBN : Rejet des pressions non justifiées

Il est considéré comme légitime que les parties prenantes puissent exprimer leurs visions, mais il est également légitime que le journaliste résiste à des pressions injustifiées.

TV Cultura : Risques très réduits

Les recettes publicitaires sont trop minces pour provoquer des tentatives de pression.

TV TEM : Résistance totale

Le principal engagement de TV Tem porte sur l’exactitude de l’information. Les pressions politiques et économiques n’influencent donc jamais les contenus.

TV Tem ne cessera pas d’informer son public pour satisfaire aux exigences d’élus ou d’entrepreneurs.

TV Tem affirme ne faire aucun type de concession face aux pressions politique ou économique locales.

Espagne

El País : Ignorées et non mentionnées

Le « livre de style » précise que si un journaliste subit des pressions, elles seront simplement ignorées et ne feront donc pas l’objet d’une mention dans l’article.

A cette question s’ajoute par ailleurs le problème des pressions implicites des sources : comment un journaliste pourra-t-il s’autoriser à écrire à l’encontre d’une de ses sources ? Ce problème en actuellement un sujet de débat dans le média.

La Vanguardia : Informer le public

Les statuts de la rédaction annoncent haut et fort l’indépendance du journal. Ses dirigeants ne se privent d’ailleurs pas de répondre avec véhémence aux pressions excessives.

La meilleure arme est de rendre publique ces tentatives de pression, ce que le journal a fait à plusieurs reprises.

Rádio Barcelona - Cadena SER : Aucune prise sur l’éditorial

Le directeur des contenus est l’objet de fréquentes pressions des milieux politiques et économiques. Il les écoute, les entend mais continue à faire ce qu’il veut sans modifier sa ligne éditoriale pour autant.

RNE : La radio est prête

Les pressions de la part du gouvernement ou des représentants de l’État pourraient survenir un jour et pour y remédier la direction sait déjà qu’elle aurait alors recours au système de défense lui permettant de dénoncer les tentatives d’ingérences auprès du Conseil de l’Information, du Collège des journalistes, de l’Association de la presse nationale ou même aux syndicats de la presse.

TVE : Le conseil de l’information

En principe ce genre de pressions en devraient pas exister. Si les journalistes les ressentent, ils les dénoncent au Conseil de l’Information composé de journalistes de l’entreprise.

France

Europe 1 : Au cas par cas

Rien de formalisé : les pressions se règlent quoi qu’il en soit en interne.

France 2 : Direction de l’information

Les pressions sont gérées au cas par cas, avec courtoisie et fermeté. C’est l’actualité qui décide si un politique doit être reçu dans une édition.

La direction de l’information intervient en cas de pression marquée.

France 24 : Via la hiérarchie

France Inter : La direction s’en charge

La pression politique existe, pas plus à France Inter qu’ailleurs. Cela fait partie des attributions du directeur de la rédaction d’y résister.

La Croix : Le dialogue…

Ainsi quand un prêtre s’en est violemment pris au journal du haut de sa chaire, l’un des fidèles - journalistes à La Croix - a informé la directrice de l’incident. Celle-ci a invité le détracteur à rencontrer la rédaction. Il est venu et le dialogue s’est amorcé…

La Dépêche du Midi : Aucune disposition formelle

La Montagne : Indépendance et responsabilité

La phrase d’Alexandre Varenne – « Travailler au bien public » - reste aujourd’hui encore le credo de la direction de la rédaction, et de son PDG (du temps de son vivant), qui n’a jamais demandé à relire aucun papier. Les pressions des hommes politiques, de fait, sont rares, émanant exclusivement de « seconds couteaux ». La Montagne, qui officie dans des zones estampillées « de gauche » sur l’échiquier politique, se positionne avant tout comme un journal d’information, bâti sur des valeurs républicaines. La seule fois où le journal s’est engagé dans un éditorial, ce fut à la veille du second tour des élections présidentielles, en mai 2002, qui vit s’opposer le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen à celui de l’UMP, Jacques Chirac.

La Nouvelle République : Indépendance affirmée

Les pressions politiques existent, comme partout ailleurs, mais en aucun cas la Nouvelle République n’infléchit son contenu à cause d’elles. Les lecteurs de la Nouvelle République couvrent un spectre politique large : il n’est donc pas question d’être partial. Cela étant, cette indépendance est peut-être plus aisée à affirmer ici qu’ailleurs, le quotidien n’étant pas dépendant financièrement de ces mêmes instances politiques (via les publicités institutionnelles, par exemple).

La Provence : La SDJ vigilante

La question des conflits d’intérêt entre un homme d’affaire anciennement et longuement engagé en politique et le journal régional de référence ne peut pas ne pas se poser.

La Société des journalistes est en première ligne pour éviter les collusions et défendre l’indépendance totale de la rédaction. Une vigilance de tous les instants et sur tous les fronts.

La Voix du Nord : Aucune disposition formelle

Le Figaro : Rien de formalisé

Le Monde : Rien de formalisé

Le Parisien/Aujourd’hui en France : Indépendance

Le Progrès : Rien de formalisé

Libération : Presque inutiles, peu de tentative de pression

Les rares tentatives d’influence se soldent par des échecs, le journal a bâti sa réputation sur son indépendance.

Ouest France : Des réponses graduées

Ce sont surtout les journalistes des rédactions décentralisées et les correspondants locaux qui peuvent subir des tentatives de pression, beaucoup plus souvent politiques qu’économiques d’ailleurs.

Le fait que Ouest-France organise des formations de « relation avec la presse » dans les Chambres de commerce et d’industrie ou en entreprises, y est sans doute pour beaucoup.

Le directeur départemental et les chefs d’agence - qui ont systématiquement suivi une formation à la médiation - sont en première ligne pour défendre l’indépendance rédactionnelle. Les rédacteurs en chef de la Direction Générale n’interviennent qu’en dernier recours.

Les situations conflictuelles restent peu fréquentes mais touchent avant tout les correspondants, c’est pourquoi le quotidien projette de réactiver l’animation de son réseau.

Dans les grandes villes le rapport au notable est plutôt serein, mais plus difficile dans les petites locales. Globalement les incidents sont finalement rares parce que personne ne cherche à faire de vagues. Quant aux correspondants locaux de village, ils ont une liberté très mesurée mais ils sont « chouchoutés » par les rédactions car il est de plus en plus difficile de trouver des correspondants étant donné le bas niveau de rémunération.

RTL : Rares

Cela s’explique sans doute par la puissance de RTL, première radio de France en termes d’audience.

Sud Ouest : Une cellule dédiée au suivi des élections

En période d’élection, une équipe est formée avec les journalistes qui suivent habituellement les partis politiques. Les éventuelles pressions politiques sont réorientées vers la rédaction en chef.

Le rédacteur en chef qui reçoit des appels peut décider de faire paraître un « droit de réponse » s’il l’estime justifié. Les conflits d’ordre politique ou économiques sont gérés par la direction de la publication.

Sud Radio : Via la hiérarchie

Pas d’ingérence sur le plan politique depuis l’arrivée du nouvel actionnaire majoritaire. Les journalistes de Sud Radio ont toujours défendu leur indépendance.

TF1 : La direction de l’information

Irlande

The Irish Times : Une longue expérience

L’Irish Times existe depuis 150 ans et a survécu à toutes les difficultés de l’histoire du pays. Sa capacité à résister aux pressions constitue sans doute l’une des raisons de sa longévité. La rédaction, la direction et la fondation sont les garants de son indépendance et n’ont de cesse de batailler pour elle, chacune à leur niveau.

Pologne

Polskie Radio, kanal 3 : Pas toujours facile

La hiérarchie de la Polskie Radio parvient à résister aux tentatives de pression, mais pas toujours. Et les journalistes peuvent parfois aussi y céder.

Mais les pressions sont cependant moins politiques qu’économiques. Les contraintes financières sont telles que l’État s’intéresse de très près au rapport « qualité/prix » et à l’audience. Il faut donc en permanence tenter de maintenir une radio de qualité, tout en tenant compte des obligations de résultats. Ce qui n’est pas toujours facile.

Royaume-Uni

BBC : La direction de l’information et une cellule spécifique

« Férocement indépendante », la BBC est néanmoins ouverte au dialogue avec les politiques. La directrice de l’information ou l’un de ses collaborateurs répondent directement aux plaintes des hommes et des femmes politiques.

En période électorale, une cellule spéciale de 3 à 4 personnes gère les « plaintes » des politiques.

The Guardian : Par la hiérarchie

Les journalistes qui subissent des pressions particulièrement insistantes font remonter le problème auprès des chefs d’édition ou du rédacteur en chef.

Suisse

La Liberté : Pas de disposition formelle

Le Temps : Code de déontologie des journalistes

Pour résister à toutes les formes de pression, les journalistes et leur encadrement se réfèrent au code de déontologie professionnelle.

RTS : Rédaction en chef

En cas de tentative de pression, les journalistes ont pour consigne de se référer immédiatement à la rédaction en chef qui elle-même peut se tourner vers la direction de l’actualité ou la direction de la RTS.

Toute censure ou autre forme de pression pourrait être mentionnée à l’antenne.